Nous devons une fière chandelle à Arrigo Boito et Giulio Ricordi, respectivement le librettiste et l'éditeur de Giuseppe Verdi. C'est en effet seulement grâce à leur insistance que le compositeur est sorti de sa quasi-retraite pour créer Otello et mettre en pratique sa vision pour l'opéra, libéré des conventions du passé. C'est du moins ce que l'on veut nous faire croire. Verdi ne s'est peut-être pas vu autant forcer la main que ce que les documents historiques suggèrent. De son propre aveu, le compositeur a en effet toujours porté un intérêt particulier pour Shakespeare.
Les attentes du public étaient élevées pour la première soirée d'Otello au Teatro alla Scala de Milan le 5 février 1887. Les spectateurs n'ont pas été déçus. Pour beaucoup, Otello est l'apogée de la carrière de compositeur de Verdi, l'œuvre avec laquelle il découvre comment exploiter chaque note de la musique au bénéfice du drame.
Dans l'histoire, les célébrations qui suivent les exploits d'Otello au combat sont vite assombries par les machinations de sa propre cour. L'acariâtre Iago, fâché de voir que Cassio a été favorisé pour une promotion, cherche à se venger en encourageant Roderigo à séduire Desdémone, l'épouse d'Otello. C'est ainsi que commence une suite tragique d'événements orchestrés par Iago, allégorie du mal dépassant même l'inventivité de Shakespeare, poussant Otello à tuer son épouse, et Cassio, qu’Otello croyait être l’amant de Desdémone, à être éliminé par Roderigo.
Les mélodies d'Otello sont aussi splendides et troublantes que celles des autres compositions de Verdi, mais contrairement aux œuvres précédentes, elles n'ont pas recours à la répétition. Quand Wagner utilise des techniques similaires, son but est de suspendre le temps. Dans Otello, Verdi s'en sert pour faire avancer l'action. Grand favori depuis de longues années à l'Opéra National de Vienne, Otello annonce une soirée d'opéra captivante qui retiendra votre attention de la première à la dernière seconde.